Le vocabulaire de l'exil

Grande Bretagne

« Exile »

Extrait (affiché dans les listes) : Le terme anglais « exile », d’étymologie franco-latine, a la particularité de recouvrir les notions d’exil, la personne de l’exilé(e), ainsi que le fait d’être exilé(e) ou encore, dans une forme verbale passive ou active, l’action d’exiler autrui ou de se voir condamner à l’exil. On note également, dans une forme adjectivale aujourd’hui disparue, « exile » (du latin exilis), un groupement sémantique exprimant les notions de faiblesse, carence, maigreur, pauvreté. Genre / pluriel : Exile(s) (n; dénombrable et indénombrable); to exile (v.; forme active et passive). Étymologie : 1330, en moyen anglais dans le poème Sir Orfeo (anon.) Date de la première notice de dictionnaire/encyclopédie : Le terme figure dans les premiers dictionnaires de la langue anglaise : The dictionary of syr Thomas Eliot knyght(1538), Mulcaster’s Elementarie (1582) ainsi que l’édition de 1677 du dictionnaire d’Elisha Coles, comme synonyme de ‘banishment’. Termes associés à l’époque : banishment, relegation, outcast, refugee, émigré. Ressource(s) bibliographique(s) : Oxford English Dictionary. Jane Stabler, The Artistry of Exile: romantic and victorian writers in Italy, Oxford, Oxford University Press, 2013. britishnewspaperarchives.co.uk Auteur(s) de la notice : Constance Bantman (traduit de l'Anglais par Hugo Vermeren)

Le terme anglais « exile », d’étymologie franco-latine, a la particularité de recouvrir les notions d’exil, la personne de l’exilé(e), ainsi que le fait d’être exilé(e) ou encore, dans une forme verbale passive ou active, l’action d’exiler autrui ou de se voir condamner à l’exil. On note également, dans une forme adjectivale aujourd’hui disparue, « exile » (du latin exilis), un groupement sémantique exprimant les notions de faiblesse, carence, maigreur, pauvreté.

L’omniprésence du terme « exile » et des termes dérivés dès le début du XIXe siècle reflète la visibilité publique et politique du phénomène de l’exil et des migrations attenantes, dans lesquelles l’Angleterre tient un rôle central, en tant que terre d’accueil, mais également pays de départ. Le terme renvoie à différentes situations juridiques et à des motifs de départ variés, l’exil pouvant être volontaire ou imposé, physique ou intérieur, puisque c’est également au XIXe siècle, en lien avec le mouvement romantique, que se multiplient les usages métaphoriques du terme et de ses dérivés, autour des notions d’exil symbolique et intérieur. Le terme ne fait pas référence à un statut légal fixe et clairement déterminé, et sa mise en pratique varie selon les périodes. Les mouvements d’exil complexes du XIXe siècle illustrent la situation paradoxale de l’Angleterre, refuge des persécutés du continent, mais également terre de départ. Cette ambiguïté est reflétée dans les connotations neutres, positives ou négatives dont le terme « exile » peut être chargé. Cette richesse sémantique apparaît dans le sens premier du mot tel que le définit l’Oxford English Dictionary : « une absence prolongée d’un individu loin de son pays de naissance ou de l’endroit qu’il considère comme chez lui, subie par la force des circonstances, ou accomplie volontairement pour quelque raison[1] ».

Dès le début du XIXe siècle, l’usage du terme dans les débats parlementaires est entériné. On le retrouve notamment dans les débats sur les exilés catholiques, puis dans le cadre des projets de loi sur l’immigration (« Alien Bills ») qui jalonnent le siècle.

La chapelle française de Little George Street, Portman Square, à Londres, créée en 1799.

The Sketch, 14 juin 1899.

Au début des années 1830, le mot « exile » est principalement associé aux exilés polonais. À partir du début des années 1840, il apparaît souvent en lien en lien avec la tragédie de la famine irlandaise, qui donne lieu à de nombreux poèmes, empreints de références bibliques, héroïsant la figure pathétique de l’exilé.

 

Poèmes dont un sur Jérusalem dramatisant l’exil : Sligo Champion– Saturday 11 février 1843

 

La période 1850-1899, qui s’ouvre avec la vague d’exils du printemps des peuples, voit une forte augmentation des occurrences du terme dans la presse : s’il fait référence aux exilés du continent qui trouvent refuge en Grande-Bretagne, le mot « exile » renvoie également à de nombreuses crises internationales, concernant par exemple Gibraltar ou les nationalistes égyptiens exilés à Ceylan dans les années 1880-1890, à la suite de la révolte contre le pouvoir turc et son allié britannique.

Tout au long du siècle, le mot et l’imaginaire qui l’accompagnent sont au centre d’une production culturelle conséquente, dont la tradition remonte aux exilés royalistes des années 1840 et 1850, auteurs d’une imposante littérature d’exil (lettres, pièces, poésie, pamphlets). La pièce d’opéraThe Exile, or the Deserts of Siberia, du dramaturge Frederick Reynolds, créée en 1808 à Covent Garden, est reprise en 1827 dans le même théâtre, puis en 1828, en mélodrame, sous le titre Elizabeth, or the Exile of Siberia, au Coburg à Londres. Ces pièces sont semble-t-il adaptées d’un roman en français de Sophie Cottin.

Affiche promouvant la représentation de The Exile, or the Deserts of Siberia à Edimbourg en 1922[2]

À ces créations s’ajoute la très riche presse d’exil produite tout au long du siècle, principalement à Londres, qui recouvre de nombreux genres journalistiques et un large spectre politique.[3]

[1] ‘Exile’, Oxford English Dictionary, 3édition. Traduction de l’auteur.

[2]http://digital.nls.uk/playbills/playbill.cfm?id=23484

[3] Constance Bantman et Ana Claudia Suriani da Silva (dir.), The Foreign Political Press in Nineteenth-Century London. Politics from a Distance (Bloomsbury, 2017).