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Répression et déplacements contraints : les exilés face aux États d’après le récit d’un officier carliste (1876)
Titre : Répression et déplacements contraints : les exilés face aux États d’après le récit d’un officier carliste (1876)
Auteur de la notice : Alexandre Dupont
Auteur de la carte : Alexandre Dupont
Date de publication de la notice : 2017/06/23
Dès le premier conflit qui les avait opposés au gouvernement libéral de Madrid entre 1833 et 1840, les contre-révolutionnaires espagnols, nommés carlistes en raison de leur soutien aux prétendants successifs qui portent presque tous le nom de don Carlos, avaient connu des expériences d’exil en France, la plus connue étant l’exil massif consécutif à leur défaite, qui avait vu passer en France, entre 1839 et 1840, près de 40 000 combattants.
La révolution progressiste qui renverse la reine Isabelle II en Espagne en 1868 ouvre la voie à une expérience démocratique de six ans connue sous le nom de Sexennat Démocratique. L’instabilité politique de ces années permet aux carlistes de s’imposer à nouveau comme des acteurs majeurs du champ politique espagnol, d’abord en participant aux élections de 1868 à 1872, puis en reprenant le chemin de la guerre civile entre 1872 et 1876. Cette guerre de quatre ans menée contre le gouvernement légal est rendue possible par le soutien que les carlistes reçoivent depuis l’étranger et de l’utilisation qu’ils font du territoire français, auxquels sont adossés leurs bastions pyrénéens.
Pendant quatre ans, nombreux sont les carlistes qui passent en France, pour les motifs les plus divers : pour échapper aux combats mais aussi pour remplir des missions destinées à favoriser la cause. En France, ils sont soumis à la répression d’un État soucieux de préserver ses bonnes relations avec le gouvernement espagnol, mais ils bénéficient aussi de structures et de réseaux de solidarité. C’est l’entrelacement et la variété de ces expériences que ce corpus se propose d’étudier à partir de cas individuels rencontrés dans des sources de différentes natures.
La politique de la France consistant à interner les soldats carlistes passés sur son territoire illustre les conséquences du conflit civil espagnol dans la vie du pays voisin. Les archives locales révèlent qu’avant même la fin du conflit en 1876, et le départ pour la France de plus de quinze mille carlistes, les préfets des départements pyrénéens mettent en place des centaines de procédures d’internement à l’encontre de soldats carlistes, signe de l’intensité des traversées de la frontière par les contre-révolutionnaires espagnols.
L’itinéraire représenté sur cette carte est celui d’un officier envoyé par don Carlos en Catalogne depuis les provinces basques et qui effectue ce voyage par le territoire français jusqu’à son arrestation par la police dans la petite ville frontalière de Saint-Béat. Ses mésaventures, racontées dans une lettre, sont publiées dans le journal officiel du carlisme en guerre, le Cuartel Real, au mois d’avril 1875, avec l’objectif de dénoncer la politique du gouvernement français, qui rappelle les « misérables temps de Louis-Philippe », signe de la rémanence des expériences d’exil passées au sein du carlisme espagnol.
La carte souligne la diversité des procédures répressives qui s’exercent à l’encontre de l’officier carliste et de ses compagnons. Arrêtés à Saint-Béat, ils sont emprisonnés successivement à Montréjeau puis à Saint-Gaudens. Après avoir vainement essayé d’obtenir d’eux une soumission au nouveau roi Alphonse XII, le consul de cette dernière ville demande aux autorités françaises leur internement. Sans qu’on sache pourquoi, les autorités recourent à la procédure d’expulsion prévue par la loi de 1849, et les expulsent vers l’Italie, où ils sont laissés à la frontière, après avoir été menacés de six mois de prison en cas de retour en France.
S’étant rendus à Vintimille, la première ville frontalière côté italien, ils se rendent ensuite à Porto-Maurizio (Port-Maurice en français), avec pour but de s’y établir. La répression s’abat cependant de nouveau contre eux, de la part des autorités italiennes cette fois, qui estiment que les autorités françaises ont outrepassé leurs compétences en expulsant des réfugiés sur leur territoire sans leur autorisation. Contraints de se rendre à Gênes et de se mettre à disposition du préfet de la ville, ils y sont arrêtés et expulsés d’Italie en deux étapes via Porto-Maurizio et Menton, à la frontière française. Le gouvernement français les interne ou les emprisonne dans la ville de Nice, d’où l’officier rédige sa lettre de dénonciation.
Delphine Diaz, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers dans la France du premier XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2014.
Alexandre Dupont, « Entre exil et emprisonnement, l’originale expérience des carlistes en France (1868-1876) » in Nicolas Beaupré et Karine Rance (dir.), Arrachés et déplacés. Réfugiés politiques, prisonniers de guerre et déportés (1789-1918), Clermont-Ferrand, Presses de l’Université Blaise Pascal, p. 145-164.
Emmanuel Tronco, Les Carlistes espagnols dans l’Ouest de la France, 1833-1883, Rennes, PUR, 2010.