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Les tribulations de trois soldats carlistes. Le récit de Juan José Recondo (1872)

Titre : Les tribulations de trois soldats carlistes. Le récit de Juan José Recondo (1872)
Auteur de la notice : Alexandre Dupont
Auteur de la carte : Alexandre Dupont
Date de publication de la notice : 2017/06/23
Dès le premier conflit qui les avait opposés au gouvernement libéral de Madrid entre 1833 et 1840, les contre-révolutionnaires espagnols, nommés carlistes en raison de leur soutien aux prétendants successifs qui portent presque tous le nom de don Carlos, avaient connu des expériences d’exil en France, la plus connue étant l’exil massif consécutif à leur défaite, qui avait vu passer en France, entre 1839 et 1840, près de 40 000 combattants.
La révolution progressiste qui renverse la reine Isabelle II en Espagne en 1868 ouvre la voie à une expérience démocratique de six ans connue sous le nom de Sexennat Démocratique. L’instabilité politique de ces années permet aux carlistes de s’imposer à nouveau comme des acteurs majeurs du champ politique espagnol, d’abord en participant aux élections de 1868 à 1872, puis en reprenant le chemin de la guerre civile entre 1872 et 1876. Cette guerre de quatre ans menée contre le gouvernement légal est rendue possible par le soutien que les carlistes reçoivent depuis l’étranger et de l’utilisation qu’ils font du territoire français, auxquels sont adossés leurs bastions pyrénéens.
Pendant quatre ans, nombreux sont les carlistes qui passent en France, pour les motifs les plus divers : pour échapper aux combats mais aussi pour remplir des missions destinées à favoriser la cause. En France, ils sont soumis à la répression d’un État soucieux de préserver ses bonnes relations avec le gouvernement espagnol, mais ils bénéficient aussi de structures et de réseaux de solidarité. C’est l’entrelacement et la variété de ces expériences que ce corpus se propose d’étudier à partir de cas individuels rencontrés dans des sources de différentes natures.
Dans les années 1920, un professeur basque, Francisco Apalategui Igarzabal, se lance dans une entreprise de récolte des souvenirs des vétérans de la Seconde Guerre carliste, souvenirs publiés par la Députation Forale de la province de Guipúzcoa, en 2005, dans un contexte de récupération mémoriel important récupération de la mémoire historique, notamment dans les régions dotées d’une forte identité culturelle. Ces témoignages constituent un regard précieux sur la mémoire portée par les soldats du rang, dont la parole apparaît peu dans les sources de l’époque.L’un des hommes interrogés, Juan José Recondo, tanneur, raconte les tribulations qu’il a connues avec son père et un homme nommé Ugarte après leur entrée en France en 1872.
La carte illustre la complexité des expériences des acteurs dans le cas de l’exil carliste en France pendant la guerre. Les déplacements s’avèrent pour partie contraints par la répression des États, pour partie volontaires et répondant à la volonté de repartir en Espagne. Ils se déploient à plusieurs échelles, de l’échelle locale de la frontière franco-espagnole à l’échelle transnationale puisque Recondo et ses compagnons passent par quatre pays en quelques mois, en passant par l’échelle nationale représentée par de multiples déplacements en France. Enfin, ces déplacements impliquent des acteurs variés qui en déterminent le cours, qu’il s’agisse des acteurs étatiques, qui tentent de contrôler les circulations des exilés, ou des acteurs de la solidarité pro-carliste, qui tâchent de rendre possible ces circulations illégales.
Recondo, son père et Ugarte, après leur passage en France, sont internés à Tours alors qu’ils avaient l’intention de demeurer près de la frontière. Ils se rendent ensuite à Paris, d’où ils sont expulsés en direction de l’Allemagne, et plus précisément de Strasbourg, récemment annexée. Ils bénéficient dans cette ville de l’aide de l’évêque intransigeant Mgr Raess, qui les reçoit dans le palais épiscopal et leur fournit de l’argent. Ils passent ensuite par Genève, où résident Marguerite de Bourbon-Parme, femme de don Carlos, et Tirso de Olózabal, important responsable carliste. Après un passage par Lyon, ils arrivent à Toulouse où ils sont aidés par le prêtre TiburcioRodríguez, qui leur fait remettre de faux passeports par le Comité Légitimiste de la ville. Ces documents leur permettent de se rendre chez le comte de Lalande à Tarnos (Landes), où ils sont à nouveau arrêtés et internés à Nantes. Évadés à nouveau et partis pour Bayonne, ils rentrent en Espagne pour le nouvel an 1873, et Recondo rejoint le général carliste Dorronsoro à Peña Plata.
Alexandre Dupont, « Entre exil et emprisonnement, l’originale expérience des carlistes en France (1868-1876) » in Nicolas Beaupré et Karine Rance (dir.), Arrachés et déplacés. Réfugiés politiques, prisonniers de guerre et déportés (1789-1918), Clermont-Ferrand, Presses de l’Université Blaise Pascal, p. 145-164.
Emmanuel Tronco, Les Carlistes espagnols dans l’Ouest de la France, 1833-1883, Rennes, PUR, 2010.