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Itinéraires de l'exil
Le retour des réfugiés carlistes depuis la France vers l’Espagne (1840-1841)

Titre : Itinéraires de retour des carlistes amnistiés (1840-1841)
Auteur de la notice : Delphine Diaz
Auteur de la carte : Hugo Vermeren
Date de publication de la notice : 03/10/2017
La première guerre carliste (1833-1840) fait suite à la mort du roi d’Espagne Ferdinand VII et au début de la régence de son épouse Marie-Christine. Avant de disparaître, le roi avait promulgué la « Pragmatique Sanction » qui suspendait la loi salique et permettait à sa jeune fille, Isabelle, de lui succéder. Cette décision privait ainsi le frère de Ferdinand VII, Don Carlos, alors en exil au Portugal, de tout espoir immédiat d’accéder à la couronne. Le début de la régence de Marie-Christine voit se développer les contestations contre cette succession controversée, qui dégénèrent en guerre civile entre 1833 et 1839 : les partisans de Don Carlos, pour lesquels la succession de Ferdinand VII joue le rôle d’un heureux prétexte, affirment leur attachement à la pensée contre-révolutionnaire qui s’est développée en Espagne dès le début du XIXe siècle, à la faveur de la guerre d’indépendance. Le conflit carliste, suscité par un vaste mouvement anti-libéral, est à l’origine d’une émigration massive depuis l’Espagne vers la France de Louis-Philippe.
Du côté français, dès le 12 octobre 1833, une circulaire du ministère de l’Intérieur invite les préfets du sud-ouest du pays à s’intéresser au plus vite au problème que posent les réfugiés espagnols « qui appartiendraient au parti absolutiste ». Ils sont éloignés des Pyrénées et assignés à résidence dans des « départements de l’intérieur » (Creuse, Corrèze, Indre), et ne commencent à recevoir des secours qu’à partir de l’été 1835. Entre 1836 et 1839, moment où la guerre carliste bat son plein, le nombre de carlistes secourus par la monarchie de Juillet fait plus que doubler (plus d’un millier de personnes secourues en 1839). Les statistiques officielles du ministère de l’Intérieur restent sans doute en deçà des chiffres réels. Sophie Firmino estime même que la première guerre carliste aurait occasionné le départ vers la France d’environ 40 000 personnes au total.À la fin de la guerre civile, une amnistie est adoptée en 1840 à l’égard des réfugiés carlistes établis en France, « applicable aux sous-officiers et soldats, soit qu’ils aient appartenu aux armées constitutionnelles, soit qu’ils aient fait partie de troupes insurgées, ainsi qu’aux artisans, cultivateurs […] » (circulaire du ministère de l’Intérieur français, 19 décembre 1840). Tous sont ainsi autorisés à rentrer dans leurs foyers, à condition de prêter serment d’obéissance au gouvernement constitutionnel et de fidélité à la reine Isabelle II. C’est à leur retour d’exil depuis la France vers l’Espagne que s’intéresse ce corpus cartographique.

La carte principale représente les itinéraires de retour des réfugiés carlistes concernés par l’amnistie de 1840. Elles montrent toutes deux que le ministre de l’Intérieur français, qui était alors Tanneguy Duchâtel, a cherché à étroitement encadrer les départs et les voyages entrepris par les réfugiés carlistes espagnols amnistiés sous le contrôle des préfets. Le franchissement des Pyrénées devait s’effectuer par deux villes frontalières, selon une circulaire du 19 décembre 1840, Canfranc (en passant par le col du Somport) et « la Junquère » (La Junquera, en passant par le col du Perthus), villes auxquelles s’est ajoutée Irun selon la circulaire du 14 septembre 1841, et qui devient en 1842 le seul point de passage autorisé.
Comme le montre la carte ci-dessus, on veillait à éviter « l’encombrement en route et surtout à la frontière », en cherchant à espacer les départs de réfugiés amnistiés et en les encadrant par des détachements de gendarmes conduits par des sous-officiers.
Néanmoins, un grand nombre de réfugiés carlistes pourtant acheminés jusqu’à la frontière ont refusé de la franchir. Selon une circulaire du ministère de l’Intérieur du 25 mars 1841, ces carlistes récalcitrants ont été dès lors acheminés vers des départements du nord de la France, fort éloignés de la frontière pyrénéenne (départements de l’Aisne, des Ardennes, de la Meuse, du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme). Ainsi, la politique menée par le gouvernement français pour encadrer et encourager les retours de réfugiés carlistes espagnols n’a pas rencontré le succès escompté, puisqu’en avril 1841, le nombre de carlistes secourus par le gouvernement français était encore estimé à 8 000 personnes. Ce dossier met ainsi en évidence les obstacles pratiques et politiques que posent les retours d’exil depuis la France de la monarchie de Juillet.

Delphine DIAZ, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers dans la France du premier XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2014.
Sophie FIRMINO, Les Réfugiés carlistes en France de 1833 à 1843, thèse de civilisation espagnole, Université François Rabelais de Tours, 2000.
Emmanuel TRONCO, Les Carlistes espagnols dans l’Ouest de la France, 1833-1883, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.