Cartothèque
Itinéraires de l'exil
Le dernier exil de la princesse Cristina di Belgiojoso (1808-1871), depuis Rome assiégée jusqu’à l’Asie Mineure

Née en 1808, Cristina Trivulzio est mariée au prince milanais Emilio Barbiano di Belgiojoso d’Este en 1824. Après quatre ans de vie commune, les deux époux se séparent d’un commun accord. En raison de son engagement pour la cause libérale, Cristina di Belgiojoso doit s’exiler du Royaume lombard-vénitien sous l’emprise de l’Empire d’Autriche et s’installe à Paris en 1831. Après la levée de la confiscation de ses biens par les Autrichiens, en 1835, elle tient un salon parisien, rue d’Anjou, jusqu’en 1842. Outre ses activités de salonnière, la princesse anime depuis la capitale française la publication entre 1845 et 1848 de plusieurs périodiques politiques parus en langue italienne (La Gazzetta Italiana, revue hebdomadaire de tendance modérée, puis L’Ausonio, une autre publication qu’elle dirige).
Au début des troubles révolutionnaires, en février 1848, Cristina di Belgiojoso était à Naples, puis elle rejoint Milan au début du mois d’avril, peu après les « cinq journées » révolutionnaires. Après la répression autrichienne, elle est de nouveau contrainte de s’exiler à Paris où elle publie plusieurs témoignages au sujet de la révolution lombarde dans La Revue des Deux Mondes.
En février 1849, la Belgiojoso regagne pourtant la péninsule italienne, où l’expérience de la République romaine redonne espoir aux patriotes. Elle prend part à la défense de la ville et à l’assistance aux blessés, avant de devoir quitter Rome assiégée pour un dernier exil qui la conduit jusqu’en Asie Mineure. C’est de cet itinéraire, abordé dans ses lettres à son amie française Caroline Jaubert – correspondance publiée en feuilleton en 1850 dans le quotidien républicain Le National, puis dans une opuscule la même année – qu’il sera ici question.
Cette carte retrace l’itinéraire du dernier exil de Cristina di Belgiojoso. Elle montre l’intensité et l’ampleur des mobilités politiques de cette aristocrate et patriote italienne dans un espace qui s’étend de Paris à l’Asie Mineure entre 1848 et 1850. La Belgiojoso est certes une figure de proscrite hors du commun, princesse, femme, salonnière et journaliste, mais nombreux ont été les exilés italiens, déjà expatriés avant le début des révolutions du Quarantotto[1], à avoir suivi de près dans leurs itinéraires la chronologie du cycle des insurrections et répressions. Par ailleurs, le dernier exil de la princesse depuis Rome assiégée appelle quelques éclaircissements. Le 31 juillet 1849, comme beaucoup d’autres révolutionnaires qui ont participé à la défense de la République romaine, elle quitte Rome, assiégée par les Français, pour la ville portuaire de Civitavecchia, où se trouvent « rassemblés tous les exilés de Rome » (Souvenirs dans l’exil). Lisons le témoignage de la proscrite : « Civitavecchia semblait le bout du monde, au delà duquel il était impossible d’aller. Tous les hôtels étaient encombrés ; les dalles même de la rue étaient occupées jour et nuit par des malheureux qui n’avaient pas d’autre gîte. […] le sujet de toutes les conversations : comment partir et où aller ? ».
Malgré ce sentiment d’impuissance, Cristina di Belgiojoso parvient, accompagnée de sa fille et de la gouvernante de cette dernière, à embarquer à bord du Mentor. Ce navire battant pavillon français fait halte à Naples, puis à Malte, en proie à une épidémie de choléra, où les passagers subissent une longue quarantaine. Dans ses lettres publiées dans Le National, la princesse lombarde décrit comme une véritable fuite ce voyage forcé qui se poursuit ensuite vers Égine, Athènes et enfin Constantinople. Son récit d’exil publié en 1850 s’achève sur « l’excursion » qu’elle entame en Asie mineure, voyage et même tentative d’installation dans l’Empire ottoman sur lesquels elle laissera des articles de journaux rassemblés dans un volume paru chez Michel Lévy frères en 1855.
Alessandrio Giulini, « Cristina Trivulzio Belgiojoso », Enciclopedia italiana, Dizionario biografico degli Italiani, http://www.treccani.it/enciclopedia/cristina-belgioioso-trivulzio_(Enciclopedia-Italiana)/" target="_blank" rel="noopener">http://www.treccani.it/enciclopedia/cristina-belgioioso-trivulzio_(Enciclopedia-Italiana)/
Christiane Veauvy, Laura Pisano, Paroles oubliées, Les femmes et la construction de l’Etat-nation en France et en Italie (1789-1860), Paris, Armand Colin, 1997.
Mariachiara FUGAZZA et Karoline RÖRIG (dir.), La Prima donna d’Italia. Cristina Trivulzio di Belgiojoso tra politica e giornalismo, Milan, FrancoAngeli, 2010.