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Itinéraires de l'exil
Francis Lieber (1798-1872), itinéraire d’un exilé allemand vers les Etats-Unis
Titre : Francis Lieber (1798-1872), itinéraire d’un exilé allemand vers les États-Unis
Auteur de la notice : Edoardo Frezet
Auteur de la carte : Hugo Vermeren
Date de publication de la notice : 05/02/2018
L’enfance de Franz Lieber, né à Berlin le 18 avril 1798, est marquée par le climat nationaliste dominant la Prusse du début du siècle. Volontaire dans l’armée en 1815, il est blessé à Namur. De retour à Berlin, il fréquente les Turner, groupes d’étudiants libéraux coordonnés par le nationaliste Friedrich Jahn. Mais après la fin des guerres napoléoniennes, il devient une cible de la surveillance policière, dès 1819, et est emprisonné pendant quatre mois ; cette pression le conduit à vagabonder en Europe, non sans une composante romantique de quête aventureuse. De la France à l’Italie en passant par la Grèce, c’est en 1823 à Rome que Lieber fait une rencontre cruciale : il est présenté à l’ambassadeur de Prusse Barthold Niebuhr, qui devient son mentor et fait de lui un réformateur modéré.
En 1824, Lieber rentre à Berlin pour commencer une nouvelle vie, mais les ennuis policiers et judiciaires reprennent. Emprisonné une deuxième fois, il choisit l’exil volontaire et s’installe d’abord à Londres, puis à Boston en 1827. Sa ferveur nationaliste se concentre alors sur les États-Unis, sa nouvelle patrie, tout en gardant une attention particulière pour les développements politiques de sa Prusse natale et de l’Europe : ce nationalisme partagé explique la perspective transatlantique et syncrétique de ses travaux de philosophie politique. Aux États-Unis, il épouse Matilda Hoppenheimer et devient professeur en Caroline du Sud puis à New York ; il publie de nombreux essais (Manual of political ethics, 1838 ; On civil liberty and self-government, 1853) et ouvrages occasionnels de pédagogie, théorie pénale, droit constitutionnel, économie et propagande politique.
Il retourne trois fois en Europe, sans jamais abandonner son rêve d’unité nationale allemande ; mais les États-Unis, où il jouit d’une solide réputation, sont désormais sa patrie : lors de guerre de Sécession il coordonne la propagande unioniste, et s’occupe ensuite de droit international. Il meurt en 1872.
La carte montre l’ensemble des déplacements de Francis Lieber des deux côtés de l’Atlantique. En raison de sa participation aux activités libérales des étudiants de Berlin, en 1819, le jeune étudiant est emprisonné et banni des universités. Il quitte la Prusse en 1821 à l’aide d’un passeport contrefait, et rejoint Marseille. De là comme nombre d’autres volontaires allemands, suisses, français ou italiens, il s’embarque pour la Grèce, où l’enthousiasme pour la révolution se transforme rapidement en déception. Le manque d’organisation d’Ypsilanti rend en effet illusoire la résurrection de la nation grecque. Lieber se rend donc à Rome, après avoir été bloqué à Ancone à la suite de la mise en quarantaine du navire sur lequel il s’était embarqué ; dans la capitale il fait la connaissance de l’ambassadeur Niebuhr qui, malgré l’obligation de le faire rentrer en Prusse, prend le jeune Lieber – sans argent ni documents – sous son aile et lui confie l’éducation de son fils. Quand Lieber rentre à Berlin en 1824, avec la protection de son mentor, c’est pour conduire une vie fort éloignée de la politique ; malgré ces efforts, il est emprisonné une deuxième fois.
Le jeune Lieber quitte alors la Prusse une fois pour toute : à Londres, où il s’installe clandestinement (1826), il peine à se faire une place. En 1827, il saisit donc l’opportunité de devenir le directeur du Gymnase de Boston. Aux Etats-Unis, sa contribution au développement des activités physiques estudiantines dans les Turner (« German Turner gymnastics movement ») facilite son intégration sociale et professionnelle. Lieber rentre rapidement dans les salons mondains de la Nouvelle Angleterre ; malgré la publication de la première Encyclopedia Americana (1828-33) et une réputation en hausse, cet intellectuel ne trouve pas d’emploi stable dans le Nord. À contrecœur, Lieber, unioniste et abolitionniste, accepte la chaire d’Histoire politique en Caroline du Sud (1835), l’État le plus esclavagiste et sécessionniste de la fédération : cet « exil sibérien », comme il le définit, interrompu par trois retours en Europe, dure 22 ans. Il rentre notamment à Berlin en 1844 à la suite de l’amnistie concédée par Friedrich Wilhelm IV aux criminels des années 1820, et à nouveau en 1848-1849, dans l’espoir de contribuer à la création de la nouvelle nation allemande. En 1857, il quitte la Caroline du Sud pour enseigner à la New York, son dernier lieu de résidence, où il meurt en 1872.
Frank Freidel, Francis Lieber – Nineteenth century liberal, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1947.
Thomas S. Perry, The life and letters of Francis Lieber, Cambridge, Cambridge University Press, 1882.
C. Mack, H. Lesesne, Francis Lieber and the culture of the Mind, University of South Carolina, 2005.