Présentation de la base de données « ExpulsionsXIX »

Base de données « ExpulsionsXIX »

 

Présentation

La base ExpulsionsXIX regroupe les informations nominatives des étrangers expulsés par voie administrative de 1815 à 1870. On y trouve, pour l’essentiel, les informations tirées de près de 1 200 dossiers d’expulsion conservés par les Archives Départementales du Bas-Rhin pour la période (1815-1870), ainsi que les dossiers retrouvés aux Archives Nationales de France (Pierrefitte-sur-Seine) et une partie de ceux conservés par les Archives départementales de la Somme (Amiens), les Archives départementales du Nord (Lille), les Archives départementales du Rhône (Lyon) et les Archives départementales du Calvados (Caen).

L’expulsion est le droit souverain d’un État à conduire hors de ses frontières un individu pouvant constituer une menace pour la sécurité publique. Dans la majorité des cas, elle sanctionne, à l’issue de leur peine, les étrangers non-résidents condamnés pour un délit ou un crime commis lors de leur séjour. Cependant, en France, l’expulsion n’est pas une peine judiciaire décidée par un tribunal mais une mesure de haute police, décision discrétionnaire.

Ce droit de l’État, dans sa forme moderne, est fixé en France par l’article 7 de la loi du 28 vendémiaire an VI. La loi du 3 décembre 1849 sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France a réformé la procédure en introduisant, notamment, une peine d’emprisonnement d’un à six mois pour l’étranger en cas de non-respect de la décision d’expulsion. L’expulsion diffère de l’extradition, régie par des conventions bilatérales (Rygiel, 2011). Cette dernière résulte d’une demande formulée par un État étranger qui doit justifier que l’individu concerné a bien commis un crime grave sur son territoire.

 

Sources

La source utilisée pour l’élaboration de la base est le dossier d’expulsion. La qualité de conservation comme le contenu des dossiers varient grandement selon le dépôt d’archives, selon l’époque et selon l’autorité décisionnaire. En effet, si la procédure est identique sur l’ensemble du territoire national, les formulaires, ainsi que les modalités de conservation et de classement divergent selon les préfectures.

Les dossiers d’expulsion contiennent généralement un arrêté d’expulsion produit par l’autorité préfectorale et contresigné par le ministère de l’Intérieur. Pour les crimes graves (homicides, par exemple) ou pour des cas jugés délicats (groupes des réfugiés, déserteurs, etc.), l’arrêté émane directement du ministère de l’Intérieur. À l’arrêté s’ajoute bien souvent un certificat de libération rempli par l’administration pénitentiaire. Plus rarement, on dispose de procès-verbaux effectués par la maréchaussée au moment de l’arrestation ou d’un avis détaillé d’un maire ou d’un sous-préfet. On retrouve parfois des pièces certifiant l’extranéité de l’expulsable (acte de naissance, pièces diverses), dans le cas où l’administration française procède à la vérification des déclarations formulées par l’individu en consultant l’autorité de la commune étrangère de résidence ou de naissance. Enfin, les dossiers d’expulsion peuvent aussi contenir des lettres de recours rédigées par les étrangers expulsés eux-mêmes avant leur sortie d’écrou ou par un tiers (un membre de la famille, une autorité religieuse ou encore le directeur de prison).

 

Méthode et consultation de la base de données en ligne

L’entité choisie pour la base de données ExpulsionXIX est l’individu et non l’arrêté d’expulsion. La récidive à l’expulsion étant monnaie courante à l’époque, nous n’avons pas intégré, dans la base en ligne, les multiples arrêtés concernant, le cas échéant, un même individu.

Vous avez la possibilité de consulter la base de données en indiquant un ou plusieurs critères :

  • Sexe : Les individus concernés par l’expulsion ne sont pas seulement des hommes. On compte une proportion très importante de femmes, pour beaucoup des jeunes travailleuses domestiques et des journalières, qui ont migré la plupart du temps seules. Le statut matrimonial et familial n’est généralement pas indiqué sur les arrêtés, et ce quelle que soit l’autorité décisionnaire. Il a pu parfois être relevé sur les certificats de libération.
  • État de naissance : La grande pluralité d’origine des étrangers qui immigrent en France ressort également du groupe représenté dans la base de données. Parmi les États d’origine, les États frontaliers sont surreprésentés. Nous avons généralement conservé l’appellation mentionnée dans la source mais nous avons procédé à une vérification systématique de la concordance entre État d’origine et lieu de naissance.
  • Métiers : Les secteurs professionnels dans lesquels les expulsés déclarent être employés sont très divers. Pour classer les différentes professions, nous nous sommes appuyés sur la nomenclature utilisée par les concepteurs de la base de données des individus poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851 constituée par Jean-Claude Farcy et Rosine Fry (http://tristan.u-bourgogne.fr/inculpes/WEB/1851_accueil.html)
  • Motif politique de l’arrivée en France : L’exil politique est un phénomène très important au XIXesiècle. Les réfugiés accueillis et secourus en France bénéficiaient d’un statut qui ne les protégeait pas de l’expulsion (Diaz, 2014, p. 182). Proportionnellement peu nombreux, les dossiers concernant les réfugiés faisaient l’objet d’un traitement particulier. Nous n’avons pas intégré dans cette catégorie les nombreux déserteurs étrangers qui ont trouvé refuge en France à cette époque et ont pu être frappés par des arrêtés d’expulsion.
  • Année de l’arrêté d’expulsion : la base ExpulsionsXIX couvre essentiellement la période 1814-1870, mais certains arrêtés adoptés au-delà ont cependant été intégrés au fichier.
  • Motif politique de l’expulsion : L’expulsion pour motif politique demeure un fait marginal tout au long du XIXe siècle. Elle concerne essentiellement les républicains étrangers, expulsés le plus souvent pour des propos publics outrageants à l’encontre du roi ou de l’empereur, ou encore pour leur implication dans les événements de juin 1848 ou de décembre 1851.
  • L’autorité décisionnaire : Avant la loi du 3 décembre 1849, la promulgation des arrêtés d’expulsion nécessite l’aval du ministère de l’Intérieur. Afin de simplifier la procédure d’expulsion, la loi du 3 décembre 1849 donne la possibilité aux préfets des départements frontaliers de notifier directement aux expulsables l’obligation de quitter le territoire français. Une simple information au ministre de l’Intérieur suffit. Autrement dit, les préfets des départements frontaliers disposent d’une totale liberté dans l’application des mesures d’expulsion, bien que le ministre conserve la possibilité d’entraver la procédure. Pour les arrêtés d’expulsion promulgués antérieurement à 1849, nous avons fait le choix de conserver l’identité de l’autorité préfectorale décisionnaire, bien qu’en définitive, ce soit officiellement le ministre de l’Intérieur qui valide officiellement les arrêtés. En effet, la décision d’engager l’expulsion émane presque toujours de l’autorité préfectorale (Lewis, 2004).
  • État vers lequel l’étranger est expulsé : Les étrangers expulsés sont pour l’essentiel « renvoyés dans leurs foyers », autrement dit vers leur lieu de naissance ou leur dernière résidence. L’information n’est pas systématiquement mentionnée dans les dossiers. Ils gardent néanmoins la possibilité de réclamer leur renvoi vers un autre État, demande le plus souvent rejetée, les États voisins refusant d’accueillir des condamnés libérés non-nationaux, d’autant plus lorsqu’ils sont récidivistes. Lorsque l’expulsé justifie être un déserteur ou un réfugié, il peut en revanche choisir l’État vers lequel il sera dirigé.

 

Graphiques :

Les graphiques ci-dessous concernent uniquement les dossiers d’expulsion conservés par les Archives départementales du Bas-Rhin qui ont été intégrés à la base. La série IIIM (cartons 543 à 660) regroupe près de 2 400 dossiers individuels répertoriés par ordre alphabétique et couvre la période 1831-1870. La base ExpulsionsXIX contient, pour le moment, les dossiers nominatifs allant de la lettre A à la lettre K (cartons 543 à 591) soit 1 021 dossiers. Pour plus de détails sur le fonctionnement de la procédure d’expulsion et l’organisation administrative du département du Bas-Rhin en ce qui concerne l’expulsion, vous pouvez consulter la carte des chemins de l’expulsion dans le département du Bas-Rhin. Vous pouvez également consulter la carte des origines des expulsés du Bas-Rhin.

 

  • Courbe des arrêtés d’expulsion prononcés de 1815 à 1870 (chiffres effectifs)
  • Frises chronologiques présentant les motifs des arrêtés d’expulsion de 1815 à 1870 (chiffres effectifs)
  • Diagramme représentant les motifs des arrêtés d’expulsion de 1815 à 1870
  • Frises chronologiques représentant les autorités décisionnaires/à l’initiative des arrêtés de 1815 à 1870 (chiffres effectifs)
  • Frises chronologiques présentant les secteurs professionnels des expulsés de 1815 à 1870 (pourcentages)
  • Frises chronologiques présentant la part des expulsés pour motifs politiques sur le total des expulsions de 1815 à 1870 (pourcentages)

 

 

Bibliographie :

Delphine Diaz, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers en France au cours du premier XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2014.

Mary Dewhurst Lewis, « Les pratiques d’expulsion dans le Rhône durant la crise », dans Philippe Rygiel (dir.), Le bon grain et l’ivraie. L’État-Nation et les populations immigrées (fin XIXe-début XXe siècle), Paris, Presses de l’ENS, 2004, p. 152-163.

Paul-André Rosental, « Migrations, souveraineté, droits sociaux. Protéger et expulser les étrangers en Europe du XIXe siècle à nos jours », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2011/2, p.335-373

Philippe Rygiel, Une impossible tâche ? L’institut de Droit International et la régulation des migrations internationales (1870-1920), mémoire pour l’Habilitation à Diriger les Recherches, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, 2011.

Hugo Vermeren, « Pouvoirs et pratiques de l’expulsion des étrangers en Algérie au XIXe siècle : un outil colonial de gestion des flux migratoires », Le Mouvement Social, revue d’histoire sociale, 2017/1, 256, p.13-26.