Appel à communications « Négocier l’accueil. Migrants, réfugiés et sociétés d’accueil, époques modernes et contemporaines », 20-22 mars 2019, Paris

Qui peut-on accueillir et qui peut-on légitimement repousser ? Cette polémique a fait rage durant la « crise des migrants » telle que l’ont relayée bien des médias et des discours publics, en France comme en Allemagne et plus largement à travers toute l’Europe. Plusieurs logiques s’opposent en la matière : le devoir d’accueillir et de secourir les individus/groupes/peuples en détresse contre l’argument malthusien, largement répandu et souvent accepté, postulant que les ressources d’un territoire sont par nature limitées et que, mécaniquement, l’on ne saurait accueillir de façon trop ouverte sans mettre en danger les populations en place, celles  données pour « originaires du pays ». S’y ajouterait l’idée que « l’identité » de la « nation » / du « peuple » / des « autochtones » serait menacée si les nouveaux venus sont trop nombreux et/ou trop « éloignés » ou trop « différents ». L’afflux d’individus porteurs de pratiques exogènes finirait par générer des formes de groupes institutionnellement et/ou culturellement encapsulés dans la société d’accueil.
Ce débat met en avant une réalité souvent occultée : les individus ou les groupes dans le besoin ne trouvent pas ipso facto asile dans un territoire, même gouverné selon des principes dits « humanistes ». L’accueil se négocie. Il est demandé, sollicité, plaidé ; il fait l’objet de stratégies de la part des acteurs concernés ; il  s’accompagne de tractations, voire de transactions et souvent de la nécessité d’argumenter l’aide internationale auprès des  populations qui accueillent les  réfugiés/migrants. Il s’agit finalement toujours d’un même enjeu central : puiser dans les ressources territoriales pour en faire bénéficier – sous quelque forme que ce soit, alimentation, secours militaire, diplomatique – une population « non-autochtone ».
Ces logiques sont anciennes. Elles sont aussi labiles : il y a quelques décennies, c’étaient les réfugiés démunis que l’on répugnait à accueillir, au contraire de migrants porteurs de richesses humaines et pécuniaires. À l’époque moderne, des arguments semblables, mais aussi très différents, comme l’appartenance confessionnelle, la charité chrétienne ou l’intérêt fiscal des autorités dans les Empires pour de potentiels colons, entraient en ligne de compte. De multiples distinctions jouent ainsi à toutes les échelles. Elles sous-tendent par exemple le refus des membres des corps marchands et artisanaux européens d’ouvrir leurs portes à des artisans qui n’ont pas été formés en leur sein, d’où le refus des corps de métiers des villes du Brandebourg d’accueillir des réfugiés huguenots auxquels le prince avait ouvert les bras en 1685 – pourtant seulement pour un certain temps (Lachenicht 2010). Elles sont également en toile de fond dans le contrôle de la distribution des ressources de la charité, par les églises de l’époque moderne. De ce fait, ces logiques de répartition amènent les acteurs qui sont partie prenante de ces circulations humaines et de ressources à développer des stratégies discursives pour recevoir de l’aide : qu’il s’agisse de plaider pour obtenir l’asile auprès des princes pour des autorités, de justifier l’aide qu’elles fournissent, les ressorts de l’argumentation se déploient à plusieurs niveaux. Surtout, ces stratégies puisent leurs modèles dans des pratiques discursives qui dépassent très largement le cadre de l’accueil « humanitaire », comme les suppliques ou les demandes de lettres de rémission étudiées par Claude Gauvard. Articuler les périodes modernes et contemporaines permet, par la comparaison, de mettre en évidence des continuités en particulier dans les pratiques de
négociation et les discours de justification.
Les travaux du colloque qui aura lieu à Paris du 20 au 22 mars 2019 traiteront de manière privilégiée des questions suivantes :
Acteurs et institutions :
–       Quelles sont les institutions qui donnent asile dans les pays d’accueil ou qui envoient de l’aide ?
–       Qui est amené à négocier : les demandeurs d’asile, les autorités, des « tiers » – associations, membres de communautés installées, etc. ? Y a-t-il des instances dédiées et quelles sont-elles? Sont-elles représentatives ou émanent-elles d’individus particuliers ?
–       Comment les négociations s’articulent-elles avec les différents « groupes » sociaux, qui peuvent manifester des intérêts divergents ? Y a-t-il par exemple un intérêt derrière l’aide « désintéressée » ? Comment se structurent les rapports de force entre les membres ?
–       Comment les populations concernées réagissent-elles à la procédure d’aide ?
Formes, référents et arguments :
–       Quelle(s) forme(s) prennent la négociation et l’argumentation :
publications, échanges épistolaires, envois d’émissaires, « réseaux sociaux » aujourd’hui ?
–       Quel rôle joue l’expérience/l’histoire de l’accueil d’autres réfugiés ?
–       Quels sont les procédés argumentatifs mis en œuvre ? Par exemple, comment la souffrance des populations à la recherche d’un accueil est-elle valorisée dans les discours ?
–       Quels sont les termes utilisés : asile, réfugié, migrant, exilé ? Dans quels discours ces notions s’intègrent-elles et que signifient-elles ?
–       Qu’en est-il d’une « hiérarchie » dans les populations à aider (question du choix et des arguments de ce choix) ?

Le colloque est organisé par le laboratoire FRAMESPA (UMR 5136) de l’université de Toulouse 2 – Jean Jaurès, l’université de Bayreuth et l’Institut historique allemand (Paris). Les frais seront pris en charge sous réserve de l’obtention de financements suffisants.

Les propositions de communication d’une page (titre de la contribution, résumé) sont à envoyer accompagnées d’un CV d’une page avant le 30 avril 2018
à negocier.accueil@gmail.com.
Langues du colloque : français, anglais.

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