En janvier 2016, le Quotidien du médecin rapportait que pour la première fois, des internes en médecine générale en France étaient exclus de leur service pour incompétence et renvoyés faire un stage de remise à niveau de six mois. Caractéristique de ces étudiants : ils avaient tous commencé leur cursus médical hors de France, profitant ensuite de la possibilité offerte à tout étudiant européen de faire son internat en France jusqu’au doctorat. Ce fait, relativement anecdotique (8 internes sur 8 881 classés cette année-là) fut largement repris dans la presse nationale, réveillant et révélant des inquiétudes anciennes vis-à-vis de la figure du médecin étranger.
Si la situation (professionnelle, juridique, sociale) des médecins étrangers au XXe siècle a suscité en France l’intérêt des juristes (Wolmark, 2001 et 2012), des politistes (Déplaude, 2011) et des sociologues (Lochard, Meilland, Viprey, 2007 ; Bontron, Voisin, 2012), elle peine à rentrer pleinement dans les problématiques historiennes malgré les travaux d’Henry Nahum sur les médecins juifs et Vichy (Nahum, 2006 et 2007) et l’étude éclairante de Julie Fette sur l’entre-deux-guerres et le régime de Vichy (Fette, 2012).
L’actualité réitérée des questions sur le statut du médecin étranger, sa formation, ses pratiques et ses compétences tend largement à oblitérer l’ancienneté du phénomène et son acuité par-delà les frontières françaises. Le XIXe siècle, temps d’invention des États-nations en Europe et de réformes des législations nationales sur l’enseignement et l’exercice de la médecine, fait pourtant figure d’époque relativement favorable à la circulation européenne des étudiants en médecine et des praticiens, incarnée par un Mateu Orfila, devenu doyen de la faculté de médecine de Paris, ou par l’itinérance d’un Eduard Jacob von Siebold, professeur à Göttingen engagé dans un véritable tour de l’Europe obstétricale dans les années 1830. Ces grandes figures de la médecine du XIXe siècle ne suffisent cependant pas à épuiser les enjeux que recouvre l’exercice médical à l’étranger, quelles que soient les figures professionnelles qui l’incarnent (docteur en médecine, médecin « licencié », sage-femme, etc.).
En ce siècle de réforme universitaire et de bouleversement des paradigmes scientifiques, s’intéresser aux mobilités médicales, interroge tant l’évolution des savoirs médicaux et des attentes sociales qu’ils véhiculent, que le rapport aux institutions nationales de formation. À ce titre, il implique d’éclairer, dans la lignée des travaux sur les étudiants étrangers parisiens (Warner, 1998 ; Moulinier, 2012), les choix étudiants, la constitution de communautés nationales estudiantines et les modalités de diplomation des non-nationaux dans les différentes universités européennes. Cette approche, tout comme celle impliquant l’exercice à l’étranger, impose, entre autres, d’appréhender les aspects économiques en jeu dans l’expatriation estudiantine ou professionnelle.
Ce mouvement des médecins interroge aussi les attendus politiques qui encadrent l’exercice médical et lient dans un nombre croissant de pays le maintien ou le rétablissement de la santé à l’appartenance nationale des médecins. La mise au point d’une exclusivité nationale du droit d’exercer pose la question d’un avantage national accordé aux praticiens nés et diplômés dans le pays et la victoire d’un principe selon lequel on ne serait jamais mieux soigné que chez soi et par ses semblables. Elle interroge aussi les attitudes des médecins étrangers eux-mêmes face à la construction de ces exclusivités nationales, la manière dont ils composent (ou non) avec les règlementations, et les formes de leur exercice dans leur pays d’installation (type de clientèle, pratiques médicales, relations avec les médecins locaux).
Au-delà, le mouvement des médecins s’inscrit dans les dynamiques migratoires européennes qui peuvent les mener dans un pays étranger autant que dans une colonie, alors que s’affirme dans plusieurs métropoles, une politique d’expansion coloniale.
Exercer dans des colonies qui ne sont pas celles de sa métropole – si tant est que celle-ci en possède – amène à s’interroger sur les modalités de la pratique médicale en terrain colonial où souvent nécessité fait loi. La législation s’exerce-t-elle de la même manière selon qu’il s’agit de soigner les Européens installés outre-mer ou les populations colonisées ? La question nationale se pose-t-elle pour les médecins missionnaires, dans des colonies où l’exclusivité est peu de mise ? Par ailleurs, l’insertion des femmes médecins dans les colonies pose-t-elle les mêmes questions que celle des hommes, alors qu’à la fin du XIXe s., l’outremer peut être vu comme un terrain particulièrement favorable à l’exercice féminin, notamment en ce qu’elles n’y font pas de concurrence aux hommes ? Ces mobilités interrogent enfin sur l’existence de migrations en communautés et le maintien d’une culture médicale nationale entretenue par des flux continus depuis le pays ou la métropole d’origine dans le cadre de ces migrations ? De ce point de vue, la médecine de diaspora, au service des siens dans un autre pays constitue un autre pan des questionnements possibles de ce colloque. Sans s’interdire d’étudier des propositions portant sur des thématiques connexes, le comité scientifique souhaite que les contributions s’inscrivent autant que possible dans les quatre axes suivants :
– étudier la médecine à l’étranger : l’itinérance estudiantine ;
– autoriser et encadrer : le praticien étranger aux prises avec la législation du pays d’accueil ;
– soigner en terre coloniale ;
– exercer la médecine auprès de ses compatriotes : la médecine de diaspora.
Les études portant sur d’autres pays que la France seront particulièrement bienvenues. Le comité est ouvert tant à des approches à l’échelle nationale et sur la longue durée qu’à des recherches plus micro-historiques sur des parcours individuels ou collectifs de médecins. La question du genre des soignants ou de leur patientèle pourra constituer un angle d’approche pertinent. Enfin, les aires géographiques prioritairement concernées seront l’Europe et ses espaces d’expansion coloniale mais, les migrations des Européens outre-Atlantique pourront être envisagées, de même que la présence ou l’exercice de médecins extra-européens en Europe.
CALENDRIER ET MODALITÉS PRATIQUES :
Les propositions de communications (titre, résumé d’une page max., bref CV) devront parvenir en FRANÇAIS, ANGLAIS, ITALIEN, ESPAGNOL aux organisateurs avant le 30 JANVIER 2018. Elles seront examinées et évaluées par les organisateurs du colloque, faisant fonction de comité scientifique. La sélection des communications sera indiquée aux proposants avant le 28 FÉVRIER 2018. Les communications pendant le colloque pourront se faire en FRANÇAIS, ANGLAIS, ITALIEN, ESPAGNOL et devront être accompagnées d’un DIAPORAMA DANS UNE AUTRE LANGUE (français ou anglais) pour une meilleure compréhension générale. Elles dureront 30 minutes, questions comprises.
Les propositions de communications devront être envoyées à l’adresse suivante : hippocrate19@sciencesconf.org [1]
COMITÉ SCIENTIFIQUE :
Delphine Diaz, Université de Reims-Champagne-Ardenne
Claire Fredj, Université Paris Nanterre
Isabelle Renaudet, Aix-Marseille Universités
Philippe Rieder, Université de Genève
Isabelle Robin, Université Paris-Sorbonne
Nathalie Sage Pranchère, Université Paris-Sorbonne
Jérôme van Wijland, Bibliothèque de l’académie nationale de
médecine
COMITÉ D’ORGANISATION :
Claire Fredj, Université Paris Nanterre
Isabelle Robin, Université Paris-Sorbonne
Nathalie Sage Pranchère, Université Paris-Sorbonne
Jérôme van Wijland, Bibliothèque de l’Académie nationale de
médecine